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Stalingrad sous Sanzharovka

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Traduction (с)Artem Melnikov

Déchiré dans tous les sens et complétement brulé, le cadavre blindé du jadis redoutable T-64 est profondément enfoncé dans la sale neige fondue. On y voit maintenant plutôt une tombe commune défoncée, qu'un engin de combat.

On a retiré les corps de l'équipage, mais du côté droit de la trappe du chargeur, la tourelle cramée est recouverte des coulures noires fumées, qui s'écaillent sous le soleil de janvier. Je sais ce que c'est. J'en garde le souvenir de ma vie antérieure. Je l'ai vu en Afghanistan (l'auteur est un vétéran de la Guerre en Afghanistan des années 80). C'est la graisse. La graisse brulée. La graisse humaine. Elle a aussi une odeur. Odeur spéciale, qui embaume les entrailles et revient ensuite dans vos rêves.

Je sais que cette odeur poursuivra jusqu'à la fin des jours ceux qui ont survécu au carnage de Sanzharovka, le combat pour la cote 307,9 - un des points clés, nécessaires pour boucler le "Sac de Debaltcevo". Si les troupes réunies de VSU (abréviation russe de ' Forces armées de l'Ukraine ') et des mercenaires qui y sont actuellement encerclées sont (et il y a toutes les chances pour que cela se produise) battues, l'armée ukrainienne pourra déclarer le forfait pour sa campagne d'hiver. Et cette défaite, très probablement, sonnera le début de la fin de leur guerre contre les républiques insurgées de Donbass. Alors ne seront pas vaines les sacrifices des soldats et officiers de "Bataillon Détaché de la Milice Populaire Motorisée de République de Louhansk" qui ont vécu à ce jour dans le village de Sanzharovka leur propre Stalingrad.

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La hauteur cotée 307,9 se situe au sud-ouest du petit village de Sanzharovka, district d'Artemovsk, région de Donetsk. Mais ce jour-là ce sont les forces de Louhansk qui s'y livrent au combat - le Bataillon Détaché de la Milice Populaire Motorisée. Entre eux, ils s'appellent "Bataillon d'Alexandre Nevski". On les appelle encore "Bataillon de Plotnitski" (actuel président de la République Populaire de Louhansk - le bataillon a été formé sous son patronat, quand Plotnitski était encore ministre de la défense de la république). Ou encore plus court : bataillon ' Avgust ' - en l'honneur d'une icône de la Vierge Marie ' Avgustovskaya ', qui est apparue devant les troupes russes la veille d'une importante bataille dans la région de Suval (Pologne actuelle) en 1914. Le village de Sanzharovka-même a été pris d'un coup, et presque sans qu'il y ait de résistance. Seulement, fidèles à leurs habitudes, après avoir quitté la ville, les ukrainiens se sont mis à la bombarder avec tout ce qu'ils avaient sous la main. Ce sont toujours les civils qui en souffrent le plus: une maison a explosé suite à l'impact direct d'une mine de 120 mm. Une adolescente a été gravement touchée à la tête et a été évacuée en urgence. Le bataillon s'est mis à se préparer à l'assaut de la hauteur

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VSU a pris soin de bien équiper la hauteur cote 307,9. Les chars ukrainiens "Bulat" (T-64 soviétiques modernisés) ont été installés dans des caponnières. Au pied de la colline, sur des directions probables d'attaque des blindés, ont été posés les pièges à char 3D couverts par des filets. Sur le sommet - les wagons ferroviaires, enterrés à 3/4 et couverts des grosses dalles en béton armé. Un réseau de tranchées de plein profil a été creusé. Les effectifs grandement renforcés par des mercenaires (polonais).

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Avant le combat, le commandant "Batya"* a formulé son objectif, et, avec des paroles simples et sensées, a fait ressentir son importance à ses soldats et... a fait un signe de croix sur eux. Que le Seigneur soit avec nous !

Le 25 janvier 2015 à 6h30 le bombardement de préparation d'assaut a commencé. Avec pourtant un maigre résultat - les protections de positions des Ukrainiens étant trop importantes. Les mercenaires prirent cette attaque à la légère, et ça leur couta cher. Le premier à être monté en haut, vers 9h00, après avoir contourné la hauteur en dérobée, est le char de Michael Savchin. Un des équipages d'ennemi était en train de fumer tranquillement sur son char - mais c'est que la canonnade est finie! Un coup de mitrailleuse à bout portant décida vite de leur sort.

Pendant ce temps-là, les autres pelotons des chars commencent l'assaut d'en bas, de plusieurs directions en même temps. Le chef de la compagnie des chars Alexandre Karnaukhov dirige le combat directement sur le champ, en avançant avec les autres. Le combat de front entre les blindés adverses démarre. Après avoir perdu plusieurs véhicules, l'ennemi commence à se retirer. Les chars de Lougansk montent sur 307,9 et commencent à littéralement rouler les mercenaires dans le béton. Les ukrainiens entreprennent la contre-attaque. Les miliciens, ayant en ce moment-là quasiment épuisé leurs munitions, se retirent à leur tour, coordonnés par le chef de compagnie Karnaukhov et chef de peloton Dimitry Rogovski. Se retirant par palier, on se couvre les uns les autres. Le char de Savchin assurait tout le monde de front.

Il existe une loi inédite de la guerre: "Qui part le premier, s'en va en dernier". Dans ce cas-là, pour peu que le combat soit engagé, les chances de survie diminuent drastiquement. La première roquette anti-char frappe le char de Savchin à la tourelle. Neutralisé par la protection anti-missile le coup parvient tout de même à immobiliser le char. Suit un autre coup de roquette, de l'autre côté. Le char prend feu. Le commandant ordonne de quitter le véhicule, mais l'équipage refuse et continue le combat. Ils envoient, comme des gros coups de marteau, un obus après l'autre, dans la face des blindés adverses qui avancent. On entendait à la radio les cris de Michael: "Retirez-vous, on vous couvre!" et encore: "Prends ça! C'est pour Semionovka"! - accompagnés par le grondement de canon de son char. Après le troisième impact, le char de Mikhael s'enflamme comme une torche, mais... parvient à faire encore au moins deux coups ajustés. L'équipage, dévoré par les flammes, se bat jusqu'au bout. Leurs compagnons, sauvés, ne pouvaient pas retenir les larmes. Après l'attaque le bataillon subit le bombardement massif et le nombre des blessés augmente. Sur la hauteur, qu'on n'a pas pu retenir, brûlent les chars... Le champ de bataille, comme d'un linceul, se couvre d'un voile de fumée.

Le bilan du combat.

Les pertes des ukrainiens: trois chars "Bulat" sont complètement brûlés, plusieurs ont été atteints, mais impossible de dire à quel point, et dans combien de temps ils redeviendront opérationnels. Deux BMP-2 (véhicule de combat d'infanterie russe de deuxième génération) et 2 BTR-80 (blindés légers russes de deuxième génération) ont était été également brûlés. L'adversaire, majoritairement les mercenaires, a perdu environ 60 personnes, morts et blessés.

Les pertes des forces de Lougansk: deux morts, cinq blessés (majoritairement lors de bombardement à la fin du combat) et cinq disparus (équipages de 2 chars). Deux chars ont été perdus directement sur la hauteur (un pilote a réussi de se retirer et rentrer). Deux blindés ont été piégés par les pièges à char, mais sans séquelles importantes. Parmi les blessés - le héros de ce combat, qui dirigeait l'attaque directement sur le champ, Alexandre Karnaukhov. Graves blessures des deux jambes avec un risque d'amputation. Les médecins gardent l'espoir.

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En écoutant les récits des participants, on éprouve un sorte de déjà vu - s'agit-il de notre époque ou bien d'un évènement de la Deuxième Guerre Mondiale? Qui sont ces incroyables hommes qui, brulés vifs, se sont battus jusqu'à leur dernier instant?

Voyons: Michael Evgenievich Savchin qui a péri dans cette bataille, le chef de peloton des chars. Quarantenaire, originaire de région de Lougansk, de la petite ville de Zimogorye, probablement ancien mineur - il ne parlait pas trop de lui, et maintenant il sera difficile d'apprendre quelque chose... Chef de compagnie des chars, trentenaire Alexandre Karnaukhov, mineur de Krasnodon. Encore un héros - chef de peloton des chars Dimitry Rogovski - 50 ans, mineur de Lisichansk. Commandant de bataillon - cinquantenaire Alexandre Kostin, ancien major des Troupes des Fusées Stratégiques de l'Armée Soviétique, ancien mineur, père des trois enfants, qui a subi pendant l'été dernier deux infarctus d'affilée. Tous les officiers de bataillon sont de la région, majoritairement mineurs - des hommes mûrs et accomplis, qui se sont levés pour protéger leur pays.

Qui voit-on de l'autre côté du front? Les pauvres jeunes garçons désorientés, mobilisés des régions de Volyn, Zhitomir ou Lviv. Les mercenaires polonais ou baltes, qui portent la haine contre tout ce qui est russe dans leur ADN. Les loubards de "secteur droit", nazis et fachos des "bataillons territoriaux", qui réunissent tout et n'importe quoi - déclassés, criminels et voyous de tout poil, néo-nazis... Comprennent-ils qu'ils vont tous mourir sur cette terre? C'est pourtant une évidence! La seule chose que j'ai vraiment du mal à comprendre - c'est la motivation de tous ces hommes qui sont venus se faire tuer à Donbass. Pourquoi? Pour les misérables 100 dollars par jour pour des salauds au pouvoir à Kiev? Ou bien pour une idéologie périmée qui pue le fascisme? Au nom de quoi viennent-ils mourir?

Les hauteurs de Sanzharovka ne sont toujours pas prises par les troupes de Lougansk et les ukrainiens à Debaltsevo ne sont toujours pas complétement encerclés. Mais en vérité, ça ne change pas grand-chose. Ici, sur la terre de Donbass se heurtent de face deux forces géantes. D'un côté - l'esprit du peuple russe, réunissant en soi toutes les nationalités de l'ex-URSS. Généreux, libre, revendicateur de justice. Redoutable dans sa colère - ne tolérant ni soumission, ni volontarisme, ni domination extérieure.

De l'autre côté - les démons de l'Occident - les démons de dégradation, de cupidité et de chaos. La bataille pour la cote 307,9 comme par les rayons x, a révélé la nature de ces forces. Et a démontré de quel côté sera la victoire. Car la victoire est toujours du côté de la justice. ' Le Seigneur n'est pas dans la force, mais dans la justesse ' - a dit un jour un saint prince et guerrier russe Alexandre Nevski, de nom duquel le Bataillon Détaché de la Milice Populaire Motorisée tire son nom.

* "Batya" - un surnom affectueux qui signifie ' bon petit père '. Désigne un homme responsable, fort et ferme. Souvent donné par les soldats aux officiers qu'ils apprécient (le plus souvent un peu avancés dans l'âge d'officier et expérimentés)


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